vendredi 28 février 2020

DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Un quatrième poème...

PREMIÈRE NUIT

Je veux que tes yeux bruns, dont les prunelles d'or
Sont comme le reflet d'un lointain et beau rêve,
Ne regardent que moi, prisonnière du sort
Qui jadis nous unit pour nous aimer sans trêve.
Je veux que pour toujours tu ne penses qu'à moi,
Que tu songes toujours à nos chaudes ivresses
À nos divines nuits, à notre immense émoi 
Quand, un soir, sans témoin, le coeur plein d'allégresse
Nous nous sommes promis un amour éternel. 
Et, dans ce long baiser tu me dis, caressante :
"Je serai tout à toi, je cède à ton appel,
Je t'aime, mon amant, je brûle, frémissante."
Depuis ce doux moment, combien de jours ont fui !
Ils furent tous divins, et cette courte année,
Dont l'exquis souvenir, comme un rayon, a lui,
Éclairera sans fin ma sombre destinée.
Je veux que mon amour, ainsi qu'un bouclier,
T'abrite des chagrins dont âme si tendre
Vibre si vivement ; tu dois les oublier
Quand, ardente, ma chair sur ta chair vient s'étendre.

Paule RIVERSDALE,
Vers l'amour, poésies, 1903.


mercredi 26 février 2020

À LA FEMME AIMÉE... Préface

Choix de poèmes de Renée VIVIEN,
par Dominique Thussier.

PRÉFACE

Qui fut réellement Pauline Tarn, alias Renée Vivien ? Sa vie et son oeuvre ont certes fait couler beaucoup d'encre, mais pour apporter quelles réponses, donner quelles certitudes ?
Après être demeurée un certain temps dans l'oubli, c'est grâce à la merveilleuse initiative de Régine Deforges, en 1986, que son oeuvre poétique complète fut rééditée, et une nouvelle biographie publiée. Nous n'en étions pas encore à l'heure de l'Internet, et tous ses livres, de même que ceux de ses précédents biographes, étaient devenus introuvables ! Ainsi de nombreuses personnes eurent enfin la possibilité de découvrir, ou redécouvrir cette poétesse qui s'était toujours crue incomprise et mal aimée... Et pour sûr, la critique de son époque n'avait pas été des plus tendres avec ces premières femmes auteurs qui osaient aborder ouvertement des thèmes plutôt controversés, comme le féminisme et l'homosexualité féminine... Pourtant, Renée Vivien ne s'est jamais voulue subversive, n'a jamais prétendu à l'accession à une quelconque notoriété (néanmoins, il nous est permis de penser qu'elle aurait certainement souhaité, et ce, d'une manière plus que légitime, être reconnue un tant soit peu parmi ses pairs du milieu des Arts...) ; elle voulait seulement exprimer, partager son univers particulier, avec le bien pusillanime espoir que celui-ci serait apprécié, mais surtout compris, par quelques âmes qu'elle espérait d'une sensibilité toute semblable à la sienne.
Si certains l'on dépeinte comme un être évanescent, d'une extrême fragilité..., d'autres comme une femme moderne, libérée, qui aurait entièrement assumé son identité sexuelle avant l'heure... En réalité, Renée Vivien était avant tout une âme, un être mystique, qui vivait l'Amour - le but et le sens véritable de son existence, puisqu'il était comme pour la plupart des artistes, la source unique de son inspiration - sur un plan quasi éthéré, en survivant toutefois, tant bien que mal, dans un corps avec lequel elle ne parvenait à se réconcilier. Elle rêvait d'incarner un personnage androgyne : une femme de force et de douceur, un homme de dévotion et de raffinement... Bref, ce prince-princesse charmant, tant de fois évoqué, et qu'elle avait parfois cru reconnaître en certaines femmes aimées... Nathalie suscitera une passion révélatrice pour la Femme, mais surtout dévastatrice, car Pauline ne pourra la vivre avec elle aussi densément dans la chair... Violette suscitera une passion révélatrice pour les Arts, mais surtout une amitié pour le moins ambiguë... - en tout cas, une relation qui n'aura peut-être pas été aussi bénéfique qu'on a voulu le laisser entendre, car, au final, cette dernière plongera Pauline dans un sentiment de culpabilité démesuré, lequel sera à l'origine de sa déchéance alcoolique, qui la mènera jusqu'à sa mort. En vérité, ni l'une ni l'autre n'auront été pour elle, et cette bien-aimée, et cette grande amie, dont elle avait si
hautement rêvé, ou plutôt qu'elle avait idéalisées... Quant à Kérimé , elle
demeurera son plus beau rêve oriental... Et même si leur passion fut davantage vécue sur le mode épistolaire, de nombreuses affinités culturelles, ainsi qu'une une grande complicité, auront été à l'origine de leur rapprochement de corps, mais surtout, d'âmes...
Mais alors... Et si l'Amie, la véritable, celle dont le tendre amour allait perdurer dans le temps, n'avait été autre que celle à qui la quasi totalité de son oeuvre fut dédiée, celle qui restera à son chevet jusqu'au dernier instant ?

À la mémoire d'Hélène de Zuylen.
(1863-1947)

© 2019, Dominique THUSSIER.

Ebook au format PDF
En téléchargement gratuit.


jeudi 20 février 2020

DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Une nouvelle...

Le Prince Charmant

Conté par Gesa Karoly

Je vous ai promis, ô petite curieuse, de vous conter l'histoire véritable de Saroltâ Andrassy. Vous l'avez connue, n'est-ce pas ? Vous vous souvenez de ses cheveux noirs, aux reflets bleus et roux, et de ses yeux d'amoureuse, suppliants et mélancoliques.
Saroltâ Andrassy vivait à la campagne avec sa vieille mère. Elles avaient pour voisins les Szécheny, qui venaient de quitter définitivement Buda-Pesth. Une bizarre famille, en vérité ! On aurait pu prendre Bêla Szécheny pour une petite fille, et sa sœur Terka pour un jeune garçon. Chose curieuse, Bêla possédait toutes les vertus féminines et Terka tous les défauts masculins. Les cheveux de Bêla étaient d’un blond vert, ceux de Terka, plus vivants, d’un blond rose. Le frère et la sœur se ressemblaient étrangement, — cela est très rare entre gens de la même famille, quoi qu'on en dise.
La mère de Bêla ne se résignait pas encore à couper les belles boucles blondes du petit garçon et à échanger ses gracieuses jupes de mousseline ou de velours contre une vulgaire culotte. Elle le choyait comme une fillette. Quant à Terka, elle poussait à sa guise, pareille à une herbe sauvage… Elle vivait au grand air, grimpant sur les arbres, maraudant, pillant les jardins potagers, insupportable et en guerre avec tout le monde. C’était une enfant sans tendresse et sans expansion. Bêla, au contraire, était la douceur même. Son adoration pour sa mère se manifestait par des câlineries et des caresses incessantes. Terka n'aimait personne et personne ne l'aimait.
Saroltâ vint un jour chez les Szécheny. Ses yeux d'amoureuse imploraient, dans son mince visage pâle. Béla lui plut beaucoup et ils jouèrent longtemps ensemble. Terka rôdait autour d’eux, d’un air farouche. Lorsque Saroltâ lui adressa la parole, elle s'enfuit.
Elle aurait été jolie, cette incompréhensible Terka… Mais elle était trop longue pour son âge, trop maigre, trop gauche, trop dégingandée. Tandis que Béla était si mignon et si doux !…
Les Szécheny quittèrent la Hongrie quelques mois plus tard. Saroltâ pleura amèrement son compagnon de jeux. Sur l’avis du médecin, sa mère l’avait emmené à Nice, ainsi que sa récalcitrante petite sœur. Béla avait la poitrine délicate à l'excès. Il était, d'ailleurs, peu robuste.
À travers ses rêves, Saroltâ évoquait toujours l'enfant trop frêle et trop joli dont le souvenir persistait en elle. Et elle se disait, en souriant à l'image blonde :
« Si je dois me marier plus tard, je voudrais épouser Béla. »
Plusieurs années se passèrent, — oh ! combien lentement pour l’impatiente Saroltâ ! Béla devait avoir atteint vingt ans, et Terka dix-sept. Ils étaient toujours sur la Riviera. Et Saroltâ se désolait de ces années sans joie, éclairées seulement par l'illusion d’un songe.
Elle rêvait à sa fenêtre, par un soir violet, lorsque sa mère vint lui dire que Béla était revenu…
Le cœur de Saroltâ chantait à se briser. Et, le lendemain, Béla vint vers elle.
Il était le même, et pourtant bien plus charmant qu'autrefois. Saroltâ fut heureuse qu’il eût gardé cet air efféminé et doux qui lui avait tant plu. C’était toujours l'enfant fragile… Mais cet enfant possédait aujourd'hui une grâce inexprimable. Saroltâ chercha en vain la cause de cette transformation qui le rendait si attirant. Sa voix était musicale et lointaine, ainsi qu'un écho des montagnes. Elle admira tout de lui, jusqu'à son complet anglais, d'un gris de pierres, et jusqu'à sa cravate mauve.
Béla contemplait la jeune fille de ses yeux changés, de ses yeux étrangement beaux, de ses yeux qui ne ressemblaient pas aux yeux des autres hommes…
« Qu'il est donc mince ! » observa la mère de Saroltâ, après son départ. « Il doit être encore d'une santé bien délicate, ce pauvre petit. »
Saroltâ ne répondit point. Elle ferma les yeux afin de revoir Béla sous ses paupières closes… Comme il était joli, joli, joli !…
Il revint le lendemain, et tous les jours. C'était le Prince Charmant qui ne se révèle qu'à travers les pages enfantines des contes de fées. Elle ne pouvait le regarder en face sans défaillir ardemment, languissamment… Son visage variait selon l'expression du visage désiré. Son cœur battait selon le rythme de cet autre cœur. L'inconsciente et puérile tendresse était devenue de l'amour.
Béla pâlissait dès qu'elle entrait, diaphane en sa blanche robe d'été. Il la regardait parfois, sans parler, comme quelqu'un qui se recueille devant une Statue sans défaut. Parfois il lui prenait la main… Elle croyait toucher une main de malade, tant la paume en était brûlante et sèche. Un peu de fièvre montait alors jusqu'aux pommettes de Béla.
Elle lui demanda un jour des nouvelles de Terka l'indisciplinée.
« Elle est toujours à Nice, » répondit-il négligemment. Et l’on parla d'autre chose. Saroltâ comprit que Béla n'aimait point sa sœur. Ce n'était pas étonnant, au surplus. Une enfant si taciturne et si farouche !
Ce qui devait arriver arriva. Béla la demanda en mariage quelques mois plus tard. Il entrait dans sa vingt et unième année. La mère de Saroltâ ne s'opposa point à l’union.
Ce furent d'irréelles fiançailles, délicates à l'égal des roses blanches que Béla apportait chaque jour. Ce furent des aveux plus fervents que des poèmes, et des frissons d'âme sur les lèvres. Au profond des silences, passait le rêve nuptial.
« Pourquoi, » disait Saroltâ à son fiancé, « es-tu plus digne d’être aimé que les autres jeunes hommes ? Pourquoi as-tu des douceurs qu'ils ignorent ? Où donc as-tu appris les paroles divines qu'ils ne prononcent jamais ? »
La cérémonie eut lieu dans une intimité absolue. Les cierges avivaient les lueurs roses de la blonde chevelure de Béla. L'encens fumait vers lui, et le tonnerre des orgues l'exaltait et le glorifiait. Pour la première fois, depuis le commencement du monde, l'Époux fut aussi beau que l'Épouse.
Ils partirent vers les rives bleues où s'exaspère le désir des amants. On les vit, Couple Divin, les cils de l'un frôlant les paupières de l'autre. On les vit, amoureusement et chastement enlacés, les cheveux noirs de l’Amante répandus sur les blonds cheveux de l'Amant…
Mais voici, ô petite curieuse ! où l'histoire devient un peu difficile a raconter… Quelques mois plus tard, le véritable Béla Szécheny apparut… Ce n'était pas le Prince Charmant. Hélas ! Ce n'était qu'un joli garçon, sans plus.
Il rechercha furieusement la personnalité du jeune usurpateur… Et il apprit que l'usurpateur en question était sa sœur Terka.
… Saroltâ et le Prince Charmant ne sont plus revenus en Hongrie. Ils se cachent au fond d’un palais vénitien ou d'une maison florentine. Et parfois on les rencontre, tels qu’une vision de tendresse idéale, amoureusement et chastement enlacés.

Renée VIVIEN,
La Dame à la Louve, 1904.





mercredi 19 février 2020

DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Un troisième poème...

JE FUS UN PAGE ÉPRIS

C’est l'heure où le désir implore et persuade…
Le monde est amoureux comme une sérénade,
Et l'air nocturne a des langueurs de sérénade.

Les ouvriers du soir, tes magiques amis,
Ont tissé d'or léger ta robe de samis
Et semé d'iris bleus la trame du samis.

Il me semble que nous venons l'une vers l’autre
Du fond d’un autrefois inconnu qui fut nôtre,
D'un pompeux et tragique autrefois qui fut nôtre.

Sur mes lèvres persiste un souvenir charmant.
Qui peut savoir ? Je fus peut-être ton amant…
Ô ma Splendeur ! Je fus naguère ton amant…

Une ombre de chagrin un peu cruel s'obstine,
Amenuisant encor ta bouche florentine…
Ah ! ton sourire aigu de Dame florentine !

Mon souvenir est plus tenace qu’un espoir…
L'âme d’un page épris revit en moi ce soir,
D'un page qui chantait sous ton balcon, le soir…

Renée VIVIEN,
À l'heure des mains jointes, 1906.


lundi 17 février 2020

CE QUE LA NON-BINARITÉ DE GENRE N'EST PAS

Depuis quelques temps la non-binarité et la fluidité de genre sont devenues des thèmes de plus en plus relayés par les réseaux sociaux, d'une manière plus ou moins heureuse... lequels mériteraient quelques éclaircissements. 
Voici quelques points sur lesquels il faut déjà s'entendre : 
• La non-binarité de genre - le fait de se sentir homme et femme, ou tantôt l'un tantôt l'autre (nous touchons alors à la fluidité de genre) voire ni l'un ni l'autre (on emploie alors le terme agenre) est avant tout un état d'être, un ressenti qui est propre à chacun et qui vient de l'intérieur, du plus profond de soi. Ainsi, de prime abord, c'est donc "quelque chose" qui ne se voit pas forcément (je n'aborderai pas le cas des personnes intersexes, qui est un tout autre domaine - lequel ne concerne pas seulement l'ambivalence de la psyché, mais également les organes génitaux). 
▪La non-binarité de genre n'a rien à voir non plus avec la bisexualité qui est l'attrait d'une personne cisgenre pour les individus des deux sexes. Étant donné qu'une personne non-binaire - pour donner l'exemple le plus simpliste !!! - pourra par son côté homme être attirée par les personnes de sexe féminin, et par son côté femme par celles de sexe masculin. Tandis que pour une autre, ses deux genres pourront être attirés par les personnes de sexe féminin, ou, au contraire, masculin, etc... Il y a tant d'identités non-binaires possible ! En fait, chaque cas est particulier, et dirai-je même unique !
Toutefois, il nous faut convenir en toute impartialité que le mouvement actuel - dirons-nous la tendance ? extravertie qui prône la mise en évidence outrée d'une appartenance aux deux genres, voire plus... (se conférer au lexique LGBTQ+ !)  - peut apparaître aux regards des profanes... pour le moins déconcertante, et peut-être, parfois même, inquiétante ! Il s'agit seulement en fait d'une forme de tentative d'affirmation de soi par l'exubérance... Ce qui, il est vrai, peut en l'occurrence, finir par desservir la cause... Et bien qu'il soit bon de rappeler toutefois que la provocation et l'extravagance n'ont jamais été le propre des seules personnes transgenres... mais bien celui de tous les individus appartenant au genre humain !
(À suivre)

Photo : Wikimedia.
Agnolo Bronzino, Portrait of a Young Man.




jeudi 13 février 2020

POURQUOI LA LICORNE ?

Il peut tout d'abord sembler étrange que la communauté LGBTQ+ se soit appropriée depuis peu la Licorne comme emblème. Cette fameuse Licorne de la mythologie, à la fois mâle et femelle, et aux multiples aspects : initiatique, ésotérique, spirituel, alchimique... Traditionnellement associée à la Vierge Marie au travers des nombreuses représentations de la Dame ou Jeune Fille à la Licorne, elle est à la fois symbole du Christ, de la pureté, de l'Androgyne, de la pierre philosophale, de la quête du Graal en soi... Ce Graal qui serait, entre autre, l'accomplissement de ce sentiment d'unité en notre être - la réconciliation, l'harmonisation du masculin et du féminin intérieurs - afin de parvenir à le refléter, le rayonner dans la plénitude de notre vie... Bref, réaliser au final notre être androgyne ! Un Idéal certes... Car nous n'en sommes qu'au tout début de cette prise de conscience planétaire, laquelle ne peut se faire sans souffrance - puisqu'il faut tout d'abord passer par la conscientisation de notre propre dualité intérieure, la comprendre, l'accepter, pour convenir au final que ces deux énergies primordiales qui nous animent ne peuvent en aucun cas être reniées... Mais alors, et la non-binarité de genre, me direz-vous !? Je pense qu'il y a eu l'humain binaire, qu'avec lui coexistera l'humain non-binaire, puis dans des temps plus lointains - les ésotéristes, notamment Rudolf Steiner, parlent de quelques millénaires ! -, l'Humanité sera tout bonnement parvenue au stade de l'Androgyne. À méditer...


Pour en savoir plus sur la Licorne :



Photo : Wikimedia.
Domenico Zampieri, La jeune fille et la Licorne.

DE LA NON-BINARITÉ SELON RENÉE VIVIEN... ET MOI-MÊME.

Jusqu'à il y a très peu d'années, les termes pour définir l'identité "sexuelle" - et non encore de "genre" ! - d'une personne, étaient : hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, puis transsexualité... Malheureusement, pour celui ou celle qui ne se reconnaissait véritablement dans aucune de ces définitions - puisque l'identité de genre n'était aucunement prise en compte - le questionnement identitaire perdurait plus que jamais, accompagné du constant malaise de se sentir un être à part, esseulé, incompris, en survivance au beau milieu de ses "semblables" si dissemblables... Lorsque la lumière enfin se fit, avec l'apparition inespérée de ce merveilleux vocable sur le devant de la scène médiatique : non-binarité !!! Et là, de surcroit, il n'était plus question de "sexualité", mais tout bonnement de "genre" ! Ne se sentir ni homme ni femme, ou tantôt l'un tantôt l'autre, et/ou les deux à la fois... Oui, Renée Vivien a bel et bien vécu cette non-binarité - cela ne fait désormais pour moi plus aucun doute... Mais le mot - bien qu'elle tenta de définir cet étrange et troublant état d'âme et d'être, entre autres dans certains de ses poèmes, ou romans, notamment "Une femme m'apparut", et "L'Être double" qu'elle publia sous son second pseudonyme (Paule Riversdale) - le mot, dis-je, était loin d'avoir vu le jour ! Il allait falloir attendre encore plus d'un siècle... Cependant, bien que le fait de pouvoir mettre un mot sur ce que nous sommes ne va peut-être pas pour autant changer notre vie, cela enlève néanmoins le poids d'un fardeau - de mal-être, d'angoisses, d'appréhensions et d'irrésolutions... - considérable ! Car avec le terme : gender fluid ou de genre fluctuant complémentaire de ce premier le plus souvent -, il devient enfin possible de constater que les choses sont beaucoup plus simples qu'on ne le pensait, car, tout comme pour l'identité sexuelle, l'identité de genre n'étant aucunement une question de choix, il suffit d'accueillir, d'accepter ces fluctuations de genre lorsqu'elles se présentent, lesquelles se manifestent le plus souvent en fonction des personnes avec lesquelles on interagit, et ce, bien indépendamment de notre volonté - ce qui est on ne peut plus perturbant et déstabilisant, tant qu'on n'en a compris la raison... - et faire, une bonne fois pour toutes, la paix avec cet homme et cette femme qui doivent cohabiter en la personne que l'on est, et qu'il va nous falloir apprendre à aimer. Oui, commencer par l'amour de soi, au lieu de continuer à attendre de la part d'un être espéré et jamais rencontré, un sentiment d'amour, voire même simplement d'acceptation, et qui ne viendra peut-être jamais... 

(à suivre)


À découvrir : LA LICORNE DU GENRE !

Un formidable outil, à la fois ludique et éclairant, qui permet, notamment aux personnes en questionnement identitaire, de se situer sur plusieurs échelles concernant :
• l'identité de genre
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DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Second poème...

LA DOUBLE AMBIGUÏTÉ 

J’écoute avidement tes paroles dans l’ombre…
Je goûte les langueurs et les parfums du lit
Et la complicité des ténèbres, où sombre
La Pléiade d’or que Sélanna pâlit.

Tu souris, déployant ta chevelure blonde,
Et le sommeil répand des pétales d’azur.
La musique s’éteint. La nuit glisse sur l’onde
Harmonieusement, ainsi qu’un cygne obscur.

Ma bouche a possédé ta bouche féminine
Et mon être a frémi sous tes baisers d’amant,
Car je suis l’Être Double, et mon âme androgyne
Adore en toi la vierge et le prince charmant.

Paule RIVERSDALE,
Échos et Reflets, 1903.


DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Un poème parmi tant d'autres...

SONNET

Ta royale jeunesse a la mélancolie
Du Nord où le brouillard efface les couleurs.
Tu mêles la discorde et le désir aux pleurs,
Grave comme Hamlet, pâle comme Ophélie.

Tu passes, dans l'éclair d'une belle folie,
Comme Elle, prodiguant les chansons et les fleurs,
Comme Lui, sous l'orgueil dérobant tes douleurs,
Sans que la fixité de ton regard oublie.

Souris, amante blonde, ou rêve, sombre amant.
Ton être double attire ainsi qu'un double aimant,
Et ta chair brûle avec l'ardeur froide d'un cierge.

Mon coeur déconcerté se trouble quand je vois
Ton front pensif de prince et tes yeux bleus de vierge,
Tantôt l'Un, tantôt l'Autre, et les Deux à la fois.

Renée VIVIEN,
Évocations, 1903.


Photo : Wikipedia.
Renée Vivien. 

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